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L'éveil
26 janvier 2011

Rouge 3

 

Dans de nombreux contes, on retrouve la couleur rouge: le petit chaperon rouge, Blanche-Neige, les souliers rouges, les souliers de Dorothy dans le magicien d'Oz (photo ci-dessus)...

Le conte des souliers rouges dont une version est présentée dans l'ouvrage de Clarissa Pinkola Estés: Femmes qui courent avec les loups, existe sous différentes versions (Les chaussures du Diable, Les Souliers brûlants du Diable...).

Je résume ici la version de Pinkola Estés:

Une petite orpheline était si pauvre qu'elle se trouva obligée de fabriquer ses propres chaussures. Elle parvint à en confectionner une paire se ses propres mains à partir de plusieurs morceaux de tissus rouges. Ces souliers pourtant modestes la remplissaient de joie si bien qu'elle en oublia sa condition misérable.

Jusqu'au jour où une vieille femme très riche décida de l'adopter. Ses vêtements ainsi que ses chaussures furent jetés au feu. L'enfant en éprouva une vive douleur mais elle se résigna et devint l'enfant sage et docile qu'on attendait d'elle.

Un jour, la vieille femme lui achèta une nouvelle paire de chaussure pour se rendre à l'église. L'enfant choisit une magnifique paire de soulier neufs d'un rouge flamboyant qui lui rappellait ses anciens souliers regrettés. La vieille femme quasiment aveugle ne s'aperçut de rien et elles se rendirent à la messe. Tout le monde garda les yeux rivés sur les fascinants souliers écarlates de la petite fille. La vieille femme s'en aperçut et lui interdit dorénavant de les porter. Mais l'enfant désobéit et les souliers rouges, ensorcelés par un personnage étrange sur le parvis de l'église, l'obligèrent à danser, danser, et danser encore jusqu'à sa perte, jusqu'à ce qu'elle se trouvât obligée de se couper les pieds...

Il est courant d'entendre que le rouge dans les contes a un rapport avec la sexualité mais il s'agit souvent d'interprétations psychanalytiques qui limitent grandement le message symbolique du conte. Il ne faut pas oublier le double tranchant du rouge déjà évoqué qui peut être soit une source de vitalité, soit une énergie extrêmement mortifère.

Tout dépend de la maturité de l'âme, ce dont elle s'est nourrie pour évoluer et l'utilisation qu'elle fait de ses énergies vitales. Mais dans ce conte, la symbolique du rouge est liée à une autre symbolique tout aussi révélatrice celle du soulier, c'est à dire de manière sous-jacente du pieds.

Les pieds sont les parties du corps qui nous relient à la terre, à la réalité et nous permettent de nous déplacer, d'agir dans cette réalité. Ils sont donc vecteurs de notre responsabilité envers ce monde. Quelle est la direction que nous avons prise? Vers quoi notre coeur nous porte-t-il?

lvp3-giotto.jpg

Giotto - Le lavement des pieds

Dans de nombreux mythes et textes sacrés, le symbolisme du pied est évoqué: Oedipe dont le nom signifie "pied gonflé " fils de Laïos " le gauche" et petit-fils de Labdacos « le boiteux », le fameux talon d'Achille, les pieds du Christ lavés par Marie-Madeleine ou son injonction à ses disciples:

Si je vous ai lavé les pieds, Moi le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.

Jean, XIII,14

Au début du conte les souliers rouges, la petite orpheline de par sa condition, ne peut compter que sur elle-même pour se chausser. En effet, face à la vie, face à Dieu, nous nous retrouvons irrémédiablement seul. Nous nous retrouvons dépouillés de tous les artifices que nous avons pu accumuler durant notre vie terrestre, accumuler les biens, les titres, les connaissances, tout cela est balayé car tout cela ne nous appartient pas. Et c'est ce qu'ignore encore l'héroïne du conte. Elle confectionne des souliers, c'est à dire une façon de se comporter dans la vie, de diriger ses pas, avec ce qu'elle est, et non ce qu'elle a. Non pas parce qu'elle est sage et mature mais parce qu'elle n'a pas d'autre choix.

Ces souliers la remplissent de joie puisqu'ils sont faits avec le cœur, avec son être; leur beauté est le reflet du potentiel intérieur de chaque être dès sa naissance.

Mais l'obstacle du conte survient sous la forme d'une vieille femme riche. Une vieille personne peut représenter la maturité, la sagesse acquise avec le temps. Cependant, cette vieille personne est riche, c'est à dire qu'elle n'a pas mûri par l'intériorité mais par l'accumulation des biens extérieurs. La vieille dame représente notre capacité à grandir, à vieillir soit de belle manière, c'est à dire en nourrissant notre intériorité, soit à mal vieillir en s'agrippant aux chimères de ce monde.

Il y a de plus dans le symbole des souliers rouges, un rapport à la liberté. Grâce à des souliers, les pieds sont protégés de la blessure et ainsi peuvent nous porter plus loin. L'utilité première des souliers est bien de nous permettre d'avancer plus efficacement, nous permettre d'ÊTRE de manière plus libre, et non pas « briller » en société, c'est à dire d' AVOIR tout ce que l'on désire. Lorsque le sens premier des choses est oublié, lorsque la vérité est détournée, on court le risque de s'engager dans une danse démoniaque qui nous détourne du bon chemin.

La liberté contrairement à ce qu'une majorité de gens croient, aveuglés (comme la vieille dame) par les mirages nauséabonds d'une société défaillante, ne signifie pas faire ce que l'on désire au détriment de toutes les lois et les bienfaits de Dieu. En particulier si le désir nous pousse à chercher à l'extérieur de nous ce qui est profondément enfoui à l'intérieur. Si le désir nous perd dans la matière, la surface trompeuse des choses.

tapis_rouge

C'est le sens ontologique du péché: viser à côté de la cible. Chercher la richesse où elle n'est pas et ainsi se perdre dans les méandres du mal..être.

Le rouge est là aussi un avertissement. Il dénonce l'orgueil de l'être qui s'oublie dans l'objet. Et c'est là que l'on perçoit le maléfice du serpent de la Genèse:

Une inimité je placerai entre toi et Isha (l'épouse ou Eve), dit Dieu au serpent, entre ta semence et sa semence. Celle-ci te blessera en tant que toi-tête, et toi tu blesseras Isha en tant que elle-talon.

Genèse, III, 15

Le serpent désigné ici en tant que « tête » est le faux époux auquel l'humanité vient de se donner, auquel elle vient de s'ouvrir en lui livrant la totalité de ses énergies (symbole du pied ouvert blessé).

Alors que le véritable Epoux divin nourrit l'humanité afin qu'elle grandisse et devienne Epouse, le serpent mange celle dont il avive constamment la blessure au talon afin d'y puiser son énergie.

Et combien est grande et mortelle la blessure, abondant le sang qui s'écoule d'elle! Et comme l'humanité aveugle y perd son âme! Et comme chacune de nous ignorant et pourtant averti, y engouffre ses forces, trouvant la mort au terme de cette saignée!

Annick de Souzenelle- Le symbolisme du corps

Le serpent c'est la magie, détourner les lois divines pour obtenir ce que nous ne sommes pas aptes à recevoir.

La magie du serpent c'est défier le temps, aller contre le temps et la maturation naturelle de la Vie et donc de Dieu. C'est construire sa vie sur l'artifice et nier la réalité de la mort, de ce passage inévitable où rien de ce monde ne nous suivra à part...ce que je suis c'est à dire le fruit du chemin parcouru par mes pieds.


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Commentaires
C
oui<br /> je languis déjà la suite de ces superbes articles sur le rouge..<br /> <br /> dans l'attente :-)
L'éveil
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