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L'éveil
21 novembre 2010

Inanna-Ishtar ou l'Isha

 

ishtar.jpg

Bas-relief représentant une déesse ailée- Epoque du règne d'Hammurabi, début du IIe millénaire av.JC- Londres, the British Museum.

Hier, tandis que moi, la reine, je tuais le temps!

Hier, tandis que moi, Inanna, je tuais le temps,

je tuais le temps à danser,

A chanter tout le jour, jusqu'à la tombée de la nuit,

Il m'a rejointe, il m'a rejointe!

Le Seigneur m'a retenu la main dans sa main:

Ushumgalanna m'a embrassée,...

Poème extrait du livre "le mariage sacré" de S.N. Kramer

Voici un bas-relief représentant ce que les archéologues ont nommé "la reine de la nuit". Il s'agirait soit d'Inanna-Ishtar la désse de l'amour et de la guerre (que reprendra plus tard le mythe d'Athéna), soit de sa soeur aînée Ereshkigal déesse chtonienne des enfers.Ce qui selon moi sont les deux facettes d'une même énergie.

Cette représentation de la déesse me rappelle étrangement le mythe de Mélusine que j'ai évoqué dans mon sujet précédant. On remarque le même corps de femme ailé aux formes sensuelles doublé de cette partie basse animale.

Mélusine et Ishtar serait-elle apparentée malgré les quelques millénaires qui les séparent?

On peut dire que Mélusine subit un viol en étant surprise par Raymondin. Il y a un mythe sumérien qui raconte un viol similaire concernant Inanna-Ishtar. De plus, Mélusine interdit à son époux de venir la voir le sixième jour de chaque semaine, le samedi donc, qui est un jour particulier puisqu'il renvoit au Shabbat des hébreux, c'est à dire au sixième jour de la création, le jour où Dieu contemplant sa création, se repose.  Pour comprendre comment je papillone impunément de Mélusine à Inanna puis à la Bible,  voici un extrait du mythe du viol d'Inanna prélevé dans le livre "Le berceau de la civilisation" aux éditions Time Life:

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Un jour, Inanna- Ishtar grimpa sur une montagne pour observer le pays de Sumer afin d'y distinguer les méchants des justes. Cette entreprise est décrite par les termes suivants : « permettre au Mé de manifester sa perfection ». (le Mé étant les Lois universelles  ou hors contexte... le Tao)

Inanna, fatiguée par son inspection des cieux et de la terre pour déterminer qui était les innocents et les coupables, s'allongea pour se reposer à l'ombre d'un peuplier. Dans ce mythe, le Mé est représenté par sept tablettes sacrées portées par la déesse sur ses genoux. La voyant allongée non loin de son jardin, Shou-kale-touda s'approcha et se coucha près d'elle. Il dénoua les tablettes et la pénétra durant son sommeil. Avant l'aube, il retourna dans son jardin avec les tablettes.

ishtar_4

Reconstitution de la porte d'Ishtar en Irak, une des entrées de la ville de Babylone.

Inutile de préciser que la colère d'Inanna fut terrible et qu'elle remua ciel et terre pour retrouver le double violeur. Certes, il n'y a pas ici la même histoire d'amour qu'entre Mélusine et Raymondin mais on y retrouve ce thème de l'intrusion. Intrusion d'un personnage non-initié aux mystères et qui provoque ainsi soit sa propre mort, soit la fin d'un amour ce qui équivaut à la même chose.

Mais quelle est cette entreprise étrange qu'effectue la déesse à séparer le bon du mauvais? N'est-ce pas le but même de toute méditation? Prendre conscience de ce qui est destiné à disparaître et ce qui est destiné à durer... 

Le mythe de Mélusine et d'Ishtar nous renvoie donc au mystère de l'homme, un mystère intérieur qui nous est caché et qui ne peut être dévoilé avant l'heure.

Nous pouvons constater parmi de nombreux mythes fondateurs humains en particulier dans les cosmogonies, que les textes semblent rejoindre un seule et même sens. Le mythe murmure des vérités cachées en nous en attente d'être re-connues. Dans son analyse admirable de la genèse en langue hébraïque dans le féminin de l'être, Annick de Souzenelle revient sur la création de l'homme (dans son sens d'être humain et non masculin) et sur celle de sa part féminine., la Ishah:

Son pôle femelle, ses « cieux », ses ténèbres, le potentiel inouï de son futur accomplissement; cet autre pôle est aussi appelé Adamah en tant que mère des profondeurs de qui il naîtra au fur et à mesure qu'il la « travaillera » et fera œuvre mâle en elle. En elle aussi il prend contact avec sa « semence », son Nom-Germe, le noyau de son être, le Verbe qu'il est en puissance et qui, avec son esprit, est appelé « chair » (basar):

« Dieu scelle la chair dans les profondeurs. »

Et ce mot « profondeur » (Tahténah) a une connotation de « mariage ».

Chagall - le cantique des cantiques

Cette histoire de mariage nous renvoie au rituel très ancien du Mariage sacré pratiqué en Mésopotamie ancienne comme l'atteste l'assyriologue Samuel Noah Kramer dans son ouvrage: le mariage sacré:

Grâce à un certain nombre de textes littéraires écrits en sumérien: mythes, surtout hymnes et chants liturgiques, ou poèmes de cour, nous sommes informés qu'il existait en Mésopotamie ancienne, au moins jusque vers le début du II ième millénaire, une croyance selon laquelle, non seulement les dieux, anthropomorphes se mariaient entre eux comme faisaient les hommes, et non seulement – s'agissant d'aussi béats et chanceux personnages – leur union était forcément heureuse, c'est à dire féconde, mais elle pouvait à la fois servir de modèle à la fécondité ici-bas et la provoquer, la garantir. Comme le monde surnaturel était obligatoirement invisible, nul mortel ne pouvant y avoir accès, et qu'on était par ailleurs convaincu sur le plan religieux, de la validité de la « substitution »: du remplacement possible de n'importe quel être par un autre, les dieux, absents de la terre, pouvaient donc se trouver légitimement représentés et suppléés par des hommes de chair et d'os, et, sur ce point précis qui nous retient à présent, leur Mariage pouvait donc liturgiquement s'accomplir, entre un homme et une femme censés prendre leur nom et place, et réaliser leur activité fécondatrice et bénéfique.

De nombreux poèmes chantent les noces de la déesse Inanna avec le berger Dumuzi son bien-aimé de manière parfois très explicite:

« Quant à moi, à ma vulve, à moi, tertre rebondi,

Moi, Jouvencelle, qui me labourera?

Ma vulve, ce terrain humide que je suis,

Moi, Reine, qui y mettra se boeufs (de-labour)? »

« Sitôt que du « giron » du roi l'  « eau(-du-coeur) » eût jailli,

A ses côtés sortirent les plantes, à ses côtés poussa le grain:

Steppe et vergers, près de lui, se chargèrent de luxuriance!

Tandis qu'en la Maison-de-vie, dans le Palais royal,

sa « femme » demeurait près de lui en liesse;

Qu'en la Maison-de-vie, dans le Palais royal,

Inanna demeurait près de lui en liesse! »

Le mariage sacré de S.N. Kramer

On remarque que la déesse dans son élan amoureux invite son bien-aimé à labourer la terre, sa terre, mouvement sexuel physique mais surtout mouvement spirituel indispensable du retour à soi qui s'apparente à un va-et-vient, une respiration. Cette terre n'est-elle pas la Adamah, la terre promise, dans laquelle  sommeille le germe de l'Illumination?Ces chants célébrants l'union entre le berger Dumuzi fils d'Enki (notons que l'homme est simple un berger et non un roi, ni un dieu, il s'agit donc de l'homme non encore initié) et la déesse Ishtar, rappelle l'union symbolique représentée par Adam et son Ishah dans la genèse.

'Esh est le feu, 'Ishah est la feu! La matrice d'eau à ce nouvel étage d'épousailles devient matrice de feu. En elle 'Ish (Adama ou l'époux) doit épouser 'Ishah pour se verticaliser afin de devenir le Verbe (…).

Annick de Souzenelle

Ainsi apparaît le mythe de Lilith, citée une fois dans la bible par le prophète Isaïe, qui semble être cette même ishah que l'Adam doit reconquérir, mais sous son aspect sombre comme son nom l'évoque: « la nuit ». Elle est ce Mystère terré au fonde de nous, dans notre part d'inconscience et à laquelle nous avons donné les masques les plus difformes afin de ne pas être tenté de les lui ôter. Libérer le germe du Soi, c'est labourer la Terre, donc plonger ses mains dans la boue, dans le noir fertile, percer l'abcès purulent des blessures de l'âme, et réaliser ainsi que toute fleur prend racine dans le fumier.

En effet, Lilith fait partie de ces personnages ambigüe comme Mélusine, Ishtar, ou la reine de Saba, tentatrice qui met l'homme au défi et se moque de son orgueil. Elle est gardienne de l'Ombre, de notre blessure primordiale, celle qui nous a jeté hors du paradis d'Eden et nous laisse en exil de Dieu...en exil de Soi. Cette blessure est le sceau même de notre libération.

A l'inverse, Ève est cette part de féminité en nous non réalisée, l'aspect bridé et domestiqué de la conscience par une morale ou des croyances réductrices. Celle qui nous tient attachés aux apparences du monde extérieur faisant de nous un animal en exil, inconscient de son essence divine. C'est la terre laissée en friche où rien d'autre ne pousse que la mauvaise herbe.

Ishtar est la déesse ceinturée d'étoiles à l'instar d'Isis et de Nout; elle symbolise ainsi la part céleste que nous avons oublié. Elle est aussi assimilée à Zib, l'étoile du matin, qui devint la Vénus des romains, puis plus tard l'étoile du berger par les chrétiens.

Ainsi Ishtar, étoile du berger, n'est-elle pas celle qui guida les Rois mages jusqu'à celui qui devait, par l'enseignement de sa vie, ouvrir la Voie aux hommes. Celui qui donna à l'Adam le chemin pour retrouver la chambre nuptiale et célébrer à nouveau les noces entre l'époux et Isha l'épouse flamboyante.

C'est ce murmure d'amour incessant que souffle chaque mythe, chaque légende et chaque conte. Retrouver cette chambre secrète en soi pour le Bien-aimé du Cantique des Cantique puisse retrouver sa bien-aimée, en prenant conscience que ces retrouvailles ne peuvent être forcées comme nous l'enseigne les histoires parallèles d'Ishtar et Mélusine. Il faut laisser à l'épouse le temps de se dévoiler:

Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour avant qu'il le désire !

 

 

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