La paix est un état qui ne s'apprend pas. Il se transmet parfois au-delà des mots, imperceptiblement lorsqu'on approche un être qui la vit, qui a déjà fleuri en elle.

La paix, amour, une seule et même chose. Aucune différence.

L'amour aussi ne s'apprend pas.

Ce qui ne s'apprend pas fait partie de nous dès l'origine de ce que nous sommes.

Ce qui ne s'apprend pas, je le suis déjà.

Mais l'esprit est curieux, avide de découvertes, de sensations et lorsqu'il ouvre ses yeux sur ce monde incroyable et surprenant, il semble happé par sa découverte permanente. Il semble devenir ce qu'il regarde. Il croit se reconnaître dans ce qu'il regarde. Et c'est en partie vrai puisque ce qu'il regarde fait partie de lui. Ce qu'il regarde est à la surface de ce qu'il est comme l'écume à la surface de l'océan.

Tout est mouvement et danse en surface. Tout est perturbation. Mais au fond l'océan reste océan, paix et silence. Au fond, malgré le vent, la tempête en surface, l'océan n'a rien à perdre.

Contempler la paix demande le retrait. Non pas l'action mais le retrait.

Tout comme l'amour est un retrait total de soi.

Tout comme écrire un Haïku demande d'élaguer un ensemble de mots pour ne garder que l'essentiel. Le cœur de l'instant. L'instant qui bat sous chaque mot.

Le retrait est une sorte de dépouillement.

Le dépouillement n'est pas la pauvreté. Le dépouillement est la plus grande richesse qui soit. Se dépouiller de ses habits d'apparats, de ses rôles, de ce besoin perpétuel d'oubli. On vous a fait croire que la richesse est dans l'acquisition infinie des choses de ce monde. On vous a leurré. Tant que vous restez dans cette certitude, vous vous mettez hors de portée de toute richesse.

De nombreux prophètes ont tenté d'enseigner cela aux humains. La pauvreté, le dénuement, ne détourne pas de la richesse. Au contraire, elle laisse toute la place à l'esprit et à sa grandeur, à sa grâce. La pauvreté extérieure mais surtout intérieure. Je n'ai que ce que je suis. Et en cela je tiens l'univers dans la paume de ma main.

Voir un univers dans un grain de sable

Et un paradis dans une fleur sauvage

Tenir l'infini dans la paume de la main,

Et l'éternité dans une heure.

.

William BLAKE

L'amour est retrait car il est le mouvement même du don de soi. Je me retire pour t'offrir toute la place. Je me retire et t'allège de tout. C'est au coeur même du retrait que j'ai trouvé l'essence du zen, ce qui ne peut se dire et qui est à l'origine de toute chose.

Le retrait au fond de soi, dans le plus pur silence. Au fond de soi, blotti, à l'abri de toute tempête, de toute perturbation. Si profondément en soi que les pensées passent au loin comme de grands nuages:

L'Etranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

- Tes amis ? - Vous vous servez là d'une parole dont le sens
m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

- Ta patrie ?

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

- La beauté ?

- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.

- L'or ?

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

- J'aime les nuages... les nuages qui passent...
là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

(Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris - 1869)

Paix

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